Cor ENGELEN, Le Mythe du Moyen Âge. Plus beau que vrai. Premiers éléments d’une remise en question du style moyenâgeux et Le Miroir du Moyen Âge, 2 volumes, 358 p. et 524 p., traduit du néerlandais par Benoît Boëlens van Waesberghe.
L’ampleur de l’œuvre laisse espérer une nouvelle somme sur l’histoire de l’art médiéval, ou à tout le moins une histoire de l’histoire de l’art médiéval, comme le suggère le titre du premier volume. Le nom de Cor Engelen n’est cependant pas de ceux qui font autorité, ni parmi les historiens de l’art médiéval, ni parmi ceux qui se sont penchés, en France, sur la passion du 19e siècle pour le Moyen Âge. La courte liste de ses précédentes publications nous apprend que l’auteur, néerlandophone, est probablement de nationalité belge, le livre ayant été publié, semble t-il à compte d’auteur, à Louvain, en 1999. La jaquette du premier volume nous apprend en outre que l’auteur, « Antiquaire de profession, philosophe de formation, collectionneur des plus pièces qui passent sous ses mains » s’est proposé pour but « la vérité sans ambages, se basant sur son expérience, la logique et les archives relatant les objets analysés ». Un survol rapide du Miroir du Moyen Âge, avant d’entamer le texte du premier volume, ne laisse pas de susciter l’appréhension : plusieurs des très nombreuses illustrations qui le composent sont de mauvaise qualité. On est donc curieux de savoir ce qu’il en est, quelle « vérité » se propose de nous révéler Cor Engelen.
L’auteur se place sous le parrainage – pour le moins éclectique – de Descartes, d’Alembert et Vincent Van Gogh, et nous présente ensuite la méthode qu’il a utilisée pour parvenir à ces « premiers éléments d’une remise en question du style moyenâgeux ». Se citant lui-même en exergue, il remet en cause les objectifs et les méthodes d’une discipline, l’histoire de l’art, devenue « l’art d’écrire des livres avec plein de notes de bas de pages pour faire croire qu’on a tout lu, et des textes brillants pour faire oublier qu’on a tout copié ». Il critique le véritable culte entretenu par les historiens de l’art autour d’artistes exceptionnels : « brusquement nous voyons surgir des sculpteurs ayant des siècles d’avance sur leurs contemporains, créant des œuvres dont le style dépasse de loin celui des peintres de leur temps, bien que ceux-ci soient à leur tour considérés comme des novateurs et des précurseurs ». On comprend donc assez rapidement qu’il va surtout être question de sculpture et que l’ouvrage va s’attacher à l’historiographie de l’art médiéval plus qu’à l’art médiéval lui-même.
Avant de nous exposer sa propre démarche, Engelen nous fait part de son scepticisme face à certaines méthodes de datation. Il conteste, sur pas moins de cinq pages, la validité de la dendrochronologie. Il nous présente ensuite rapidement sa méthode qui, a priori, n’a rien de révolutionnaire : elle consiste à comparer les œuvres entre elles afin d’établir des attributions et des datations par le biais de critères stylistiques et iconographiques. Tout historien de l’art a normalement appris à confirmer par l’examen critique des œuvres les documents d’archives et inversement. Mais on comprend dans la suite du texte que, chez Engelen, cette méthode n’est pas dialectique, dans un aller et retour incessant de l’œuvre aux documents (quand ils existent naturellement), mais bien exclusive ou en tous cas totalement primordiale.
Engelen fait preuve d’un hyper-criticisme à l’égard de tout fait, et notamment de toute date, fourni par les documents d’archives, que ceux-ci soient contemporains de l’œuvre ou plus tardifs. Comme l’indique son sous-titre, l’auteur ne propose pas tant une nouvelle chronologie de l’histoire de l’art médiéval qu’il ne remet en cause celle généralement admise. Sa démonstration est essentiellement fondée sur des exemples choisis, dans toute l’Europe de l’Ouest, parmi les plus célèbres œuvres du Moyen Age : la sculpture occupe une place importante (de Claus Sluter à Donatello en passant par les albâtres de Nottingham), mais tous les domaines artistiques sont abordés : les meubles (armoire d’Halbersatdt), les vitraux (cathédrale de Chartres), les fresques (cathédrale de Brunswick), l’orfèvrerie, les ivoires. Les conclusions de l’auteur vont le plus souvent à l’encontre de l’histoire de l’art officielle. Dans certains cas il nie l’authenticité des œuvres qu’il passe au crible de sa méthode : il remet en cause la datation – et donc conséquemment l’attribution – de la plupart des œuvres du Moyen Âge qu’il examine. Il passe rapidement sur le cas de certains œuvres qui sont selon lui des copies du 19e siècle ou des travaux de faussaires, ces derniers n’étant pas moins habiles que les restaurateurs. Il s’attache plus longuement à certains chef-d’œuvres qui font l’objet d’un consensus de la part des historiens de l’art, et apparaissent comme des œuvres très en avances sur l’époque. Trop en avance, selon Engelen, partisan d’un doute systématique. Face à une statue du 13e siècle, habillée d’un costume Renaissance, affectant un déhanchement baroque ou présentant des plis Rococo, fût-elle l’œuvre d’un soi-disant génie, il applique rigoureusement sa méthode. Les plis Rococo rattachent l’œuvre au 18e siècle, donc elle n’est pas du 13e siècle, quoi qu’en disent les archives : se trouve du même coup résolue, par la grâce de la méthode ruinant la datation aussi bien que l’attribution, l’énigme du génie en avance de plusieurs siècles sur son temps. Avec une grande liberté de ton et une belle obstination, Engelen met un nom sur le sentiment qu’on éprouve souvent en visitant des musées et surtout des églises médiévales : anachronisme. La conscience qu’on a parfois de se trouver face à un meuble ou une statue qui non seulement ne « colle pas » avec l’édifice, mais si on peut dire ne colle pas avec elle-même a pour simple explication, selon Engelen qu’elle n’est tout simplement pas de son époque. C’est-à-dire qu’il y a un décalage entre le style, l’iconographie et parfois la nature du matériau, décalage que l’auteur traque jusqu’au moindre pli du vêtement. Engelen pointe la malhonnêteté intellectuelle de certains conservateurs exposant délibérément des faux comme d’authentiques œuvres médiévales. Il insiste à juste titre sur les phénomènes massifs qui ont altéré le mobilier des églises, bien au-delà de ce que les historiens de l’art seraient prêts à admettre : de la « baroquisation » des églises médiévales à l’époque moderne à la « romanisation » des cathédrales allemandes au 19e siècle, en passant par l’uniformisation des cathédrales françaises sous la férule de Viollet-le-Duc. Une grande partie de notre patrimoine médiéval serait en fait datable de l’époque allant de la Renaissance au 19e siècle. Nous serions les victimes d’un mouvement, dont Engelen voit l’apogée à la fin du 18e et au 19e siècle, consistant à délibérément historiciser les œuvres d’art, voulant les faire paraître toujours plus anciennes qu’elles n’étaient réellement, quitte à forger de toute pièces des antiquités ou à « antiquiser » des œuvres existantes. Les historiens de l’art, entretenant le culte des artistes d’exception, célébrant les œuvres en avance sur leur temps, encourageraient cette aveuglement collectif nous portant à considérer comme médiévales des œuvres manifestement renaissantes ou baroques.
Engelen, ne nous demande pas de le croire sur parole, il laisse au lecteur le soin de se reporter, pour ce qui concerne les critères stylistiques et iconographiques lui permettant de contester des datations, au second volume : on peut en effet y trouver un important dictionnaire iconographique. Y figurent des entrées classiques, telles que les représentations du Christ ou celles de la Vierge, mais aussi une très importante documentation sur le « Chapeau juif » (pas moins de 39 pages lui sont consacrées). Ce second volume est donc complémentaire du premier, même si la lecture du premier volume se suffit en grande partie à elle-même. Par ailleurs, comme l’indique Engelen, on peut utiliser le Miroir du Moyen Âge indépendamment en tant que base de données pour mener des comparaisons et soi-même dater des œuvres.
Certains aspect de l’ouvrage peuvent sembler rédhibitoires. On comprend rapidement qu’on n’a certes pas affaire à un coffee table book : la qualité des illustrations est cependant parfois vraiment en dessous de ce qu’on est en droit d’attendre (surtout pour le second volume), même d’un dictionnaire iconographique publié à compte d’auteur. Les illustrations ne portent d’ailleurs aucun crédit photographique. Elles ont probablement en grande partie été réalisées par l’auteur, ce qui implique au moins qu’il a examiné les œuvres en personne. Son texte ne laisse d’ailleurs aucun doute à ce sujet, en ce qu’il témoigne souvent d’un contact direct et prolongé avec les œuvres. On voit donc des photographies parfois approximativement cadrées ou éclairées, mais qui montrent toujours le détail qui soulève un problème de datation (notamment dans le premier volume). Les vignettes collectionnées dans le second volume sont malheureusement parfois tellement agrandies par rapport à leur taille initiale qu’on ne voit à certaines reprises qu’une mosaïque de rectangles gris. C’est d’autant plus dommage que la qualité du papier est bonne et que la mise en page est dense mais reste lisible. Regrettons que ce dictionnaire iconographique n’ait pas été expurgé de ces quelques images qui n’apportent pas grand-chose sur le plan iconographique et nuisent à l’impression générale. Au chapitre des regrets, on portera la traduction parfois approximative du néerlandais. On ne peut que saluer la conscience professionnelle de la personne qui a relu le manuscrit français : on y compte quelques rares coquilles et plutôt moins de fautes que dans la moyenne des ouvrages publiés en français ; la traduction est plutôt bonne et on n’éprouve pas l’impression pénible de lire un texte dans un français approximatif rendu inintelligible par une syntaxe anglaise ou allemande. Mais pourquoi donc avoir laissé passer, et ce jusque dans le sous-titre de l’ouvrage, ce « style moyenâgeux » si négativement connoté, qui nous renvoie directement au 19e siècle, voire à l’ancien Régime ? L’absence de notes de bas de pages est revendiquée par l’auteur et dans une certaine mesure compensée par la transcription dans les marges du texte et dans la langue originale de tous les textes cités. Ces textes sont tous traduits, et bien traduits. Non seulement l’auteur cite aussi bien des historiens néerlandophones, que des Anglais, des Français et de nombreux Allemands, mais il ne se repose pas comme il est de plus en plus courant sur un polyglottisme tout terrain du lecteur. On pourra déplorer en revanche l’absence de toute bibliographie. Mais c’est probablement en partie volontaire, l’auteur considérant les historiens de l’art contemporains comme des sources pour une historiographie de l’art médiéval et non seulement comme des références scientifiques.
Pour ce qui touche le fonds : il n’est pas désagréable de voir remettre en cause certaines attributions. Les démonstrations d’Engelen n’emportent pas toujours la conviction, mais il a l’honnêteté de fournir au lecteur les éléments de ses propres datations. On souscrit donc sans problème à sa méthode de datation par la comparaison des styles et des costumes ou autres éléments iconographiques. Mais cette méthode ne devrait pas être exclusive d’un recours aux archives et aux sciences dures (la charge contre la dendrochronologie apparaît bien vaine). Engelen est peut-être victime de sa position ouvertement polémique, qui le porte à prendre le contre-pied des amateurs de notes de bas de pages que sont les historiens de l’art. Faire parler les œuvres, éventuellement contre les archives peut sembler de bonne méthode, à condition que cela ne devienne pas systématique. Qu’une statue soit installée dans le chœur d’une cathédrale construite au 13e siècle ne prouve certes pas que la statue est elle-même du 13e siècle, surtout si elle porte des accessoires typiquement baroques. Le fait qu’elle porte des accessoires baroques n’est pas non plus une preuve que l’intégralité de cette statue remonte aux temps modernes. De même, si les historiens de l’art accordent souvent trop de crédit à des artistes de génies et à des œuvres « hors du temps », ainsi qu’à des interprétations de leurs collègues qui deviennent d’incontournables vulgates (Engelen en donne de bons exemples dans premier volume), Engelen nous semble partisan d’une histoire de l’art qui ne connaît ni rupture ni accélération, et qui peut en conséquence en grande partie reposer sur des interprétations iconographiques (d’évolution du costume par exemple). Il n’en reste pas moins que toute chronologie qui se veut absolue nécessite des points de référence datés à intervalles réguliers. Et, après avoir semé le doute en nos esprits en mettant à bas toute la chronologie de l’art médiéval et mis en défaut les raisonnement circulaires des historiens de l’art, Engelen n’est pas très explicite sur la manière dont il date les objets. Il se réfère à des éléments iconographiques dont on ne nous révèle comment a été établie la chronologie. Il semble que cela soit uniquement d’après les enluminures et la peinture. On regrette donc l’absence d’une vision d’ensemble : que la datation de la plupart des œuvres, y compris les chefs-d’œuvre et celles qui constituent des jalons chronologiques doive être revue très à la baisse, certes. Mais que reste t-il dans ce cas d’authentiquement médiéval ? Remettre en cause l’histoire de l’art médiéval de manière aussi fondamentale suppose que l’on esquisse au moins sa propre vision de l’histoire de l’art médiéval, en dépassant la collection d’étude de cas. Enfin, l’ouvrage ne tient qu’imparfaitement ses promesses bien qu’il ouvre des perspectives intéressantes : on aurait aimé en savoir beaucoup plus sur la façon dont la médiévalisation de la fin du 18e siècle et du 19e siècle, à grand renfort de faux et de copies, a pu être si facilement entérinée et faire illusion encore de nos jours, même et en particulier parmi les historiens de l’art. Peut-être, si l’auteur s’opiniâtre dans sa démarche nous révèlera t-il plus amplement sa méthode. En attendant, qu’on nous permette de demeurer, comme Engelen lui-même à l’égard des historiens de l’art, sceptique devant cet ouvrage, qui, si on voulait reprendre les méthodes de datation de son auteur ressemble beaucoup plus, par son style (et par son mode de diffusion) et sinon par sa problématique, à un manuel d’antiquaire du 19e siècle qu’à un ouvrage scientifique digne de ce nom. Mais là n’était pas l’objectif de l’auteur qui a probablement atteint son but en ébranlant quelques certitudes. Saluons l’opiniâtreté d’une telle démarche à défaut de recommander incontinent les fruits qu’elle a porté jusqu’à présent.
Pour reprendre la méthode de son auteur on peut se demander si l’ouvrage est bien de son époque ou pas ???
Il relève en fait les traces de « débaroquisation » (p. 165). Choisit ses exemples surtout en Allemagne.
p. 355 : « La plupart des historiens de l’art ont fait part de leurs soupçons sans aucune arrière-pensée, ont établis spontanément un lien avec un autre style d’une autre époque. Sous la pression sociale et culturelle [forme d’auto-censure ?], ils ont abandonné cette idée, alors que leur argumentation livrait généralement la clé permettant d’aboutir à une interprétation correcte ».
Le 2e volume se présente comme indépendant un instrument de travail.
Sur les crucifixions : travaille à partir du nombre de clous utilisés (3 ou 4 et des les pieds séparés ou joints ; et aussi à partir par exemple de la longueur du perizonium).
Il relève les troublants problèmes iconographiques et/ou de style qui apparaissent, qui servent au début à attribuer une œuvre à un artiste d’exception, soi-disant très en avance sur son temps et qui permettent ensuite de lui attribuer, sur la foi de ces détails iconographiques et/ou stylistiques d’autres œuvres : ainsi la boucle est bouclée par une démonstration circulaire et les fausses preuves confirment des attributions.
Il s’intéresse aussi à des œuvres italiennes et françaises.
p. 264 : les limites de sa méthode : à propos de la sculpture de Donatello au Bargello et des historiens de l’art qui le datent de 1440 tt en en faisant non seulement un chef-d’œuvre renaissant mais aussi un précurseur – déjà – des œuvres maniéristes qui datent d’un siècle plus tard (milieu du 16e siècle). Pour lui la méthode ne tient pas et les historiens de l’art ne tirent pas les conclusions logiques de leurs constatations : puisque la statue ressemble en tt point à une statue maniériste c’est qu’elle l’est sûrement il explique à l’occasion sa méthode : « Notre préjugé à nous, c’est que nous croyons fermement dans notre méthode de comparaison stylistique qui nous fait dire que deux statues présentant les mêmes caractéristiques doivent se situer à la même époque » : mais ça le conduit parfois à des attributions qui vont contre les documents en raison de ce systématique scepticisme : à vouloir tt remettre en cause, voir des faussaires et des restaurateurs malhonnêtes partout, on cours le risque de ne plus « croire » à rien, même si ses démonstrations sont parfois troublantes.
Par ailleurs croyance quasi absolue dans la synchronicité de l’iconographie, essentiellement démontrée par les vêtements etc., et aussi dans le progrès de l’art, exemple de phrase qui revient très souvent par exemple p. 264 : « L’évolution de l’art sculptural une fois de plus se serait donc déroulée à l’envers ».
Souvent des raisonnements un peu simplistes à partir de maigres détails iconographiques, cf. par exemple p. 272 : « Si nous plaçons toutes les croix de Donatello sur une seule rangée, nous pouvons constater que le Christ de Padoue se distinguent nettement des autres figures du Christ. Si d’autre part nous comparons entre elles les autres croix, nous avons la preuve qu’on ne peut les attribuer à un seul et même artiste ».
p. 273 exemple d’écueil de sa méthode à la suite de la citation précédente : « Nous pouvons appliquer la même méthode pour le Christ au-dessus de l’autel de Padoue. Celui-ci porte un perizonium extrêmement court, tenu par un cordon. La hanche gauche est presque intégralement dénudée. Cette sorte de Christ ne fera son apparition qu’au milieu du XVIe siècle. Au milieu du XVe siècle en revanche, le Christ porte toujours un perizonium long, jusqu’au genou. Nous en trouvons de nombreux exemples chez des peintres célèbres comme Masaccio et Fra Angelico » : certes des peintres (mais il a lui-même démontré que les attributions et datations des peintres étaient sujettes à caution) : or, il rejette le recours aux méthodes de datations par les sciences dures (dendrochronologie) et aussi celles par les documents mais pourtant il cite « au milieu du 15e siècle… » : c’est donc qu’il se fonde lui aussi sur les études des historiens de l’art précédents et sur des tableaux sûrement moins bien étudié et en tous cas pas mieux documentés que les chefs-d’œuvre a priori (sauf pour lui qui voit des faussaires volontaires quasi partout). Si on applique sa fameuse méthode à la lettre on s’en tient à une histoire de l’art qui pour n’être pas plus « vraie » est en plus toute relative car elle ne compare les œuvres que les unes avec les autres (et n’est-ce pas justement le défaut de la méthode dendrochronologie qu’il avait critiqué au début : les comparaisons de C. ne sont autre que la méthode des cernes de croissances).
p. 283 : « Les historiens de l’art ont construit un barrage en se complimentant les uns les les autres, mais sans jamais envisager un travail critique interdisciplinaire ; ce barrage, qui commence à se fissurer, finira un jour par céder ».
p. 282 : « La sculpture italienne du XVe siècle, telle qu’elle nous fut présentée jusqu’à présent, est un kaléidoscope de tous les styles possibles, pour lesquels on s’applique par tous les moyens de fournir une explication plausible ».
p. 296 : dans sa conclusion il s’intéresse aussi aux fresques. En fait il n’a pas un corpus d4oeuvres homogènes car il s’agit tout simplement d’un ouvrage à thèse et qu’il choisit donc les exemples qui lui conviennent et qui sont les mieux à mêmes d’appuyer sa théorie du complot.
p. 309 se réfère comme souvent à la notion de « faute iconographique » : qui plus souvent qu’une totale invraisemblance est un anachronisme : où on en revient donc par un chemin détourné à l’iconographie.
p. 313 et 314 : évoque aussi la « romanisation » des églises allemandes (contemporaines des restaurations souvent néogothiques de VLD en France) au 19e siècle.
p. 332 : il s’attaque aux vitraux.
En somme une gigantesque mystification, résultant en partie d’un aveuglement volontaire, d’un manque de rigueur scientifique, de falsifications éhontées, de l’habitude, et aussi d’aveuglement collectif et volontaire.
p. 336 : les ivoires.
Mais a des conceptions un peu dépassées : il souligne à plusieurs reprises que les historiens de l’art ne sont pas cohérents et cherchent des correspondances tt en admettant des marches à rebours du progrès technique : mais cette notion n’est plus trop défendable.
Par ailleurs méfiance un peu trop viscérale des datations en relations avec l’architecture.
Un chapitre pour peinture : rien d’autre que Van Eyck.
Présenter une histoire générale de l’art médiéval serait ambitieux. Vouloir présenter une histoire – ouvertement critique – de l’histoire de l’art médiéval telle qu’elle est pratiquée apparaît tout aussi ambitieux et dangereux à bien des égards, les écueils étaient nombreux que l’auteur n’a pas su toujours éviter. Connaît aussi bien les auteurs français.
A des articles dans son volume II qui ne relève pas à proprement parler de l’iconographie et ne figure pas dans les dictionnaires spécialisés mais n’en sont pas moins – en principe, du moins – des indicateurs de datations potentiels tout à fait valables.
En fait l’auteur s’attache à déconstruire : il traque les œuvres néogothiques et remet en cause les attributions des savants du 20e siècle : il s’attache ainsi au sentiment qui frappe souvent quiconque visite les églises gothiques : à savoir qu’on a bien souvent l’impression de se retrouver face à des œuvres qui ont été restaurées à une époque ou à une autre. Insiste sur l’habileté des néogothiques et la naïveté ou l’aveuglement des modernes. Ce sentiment diffus que l’on a parfois en visitant d’authentique cathédrales gothiques d’y trouver du mobilier et des œuvres d’art qui sont censées être authentiquement médiévales mais qui en fait ressemblent de façon frappante à ceux des églises néogothiques. Déconstruit les châteaux de cartes parfois imprudemment élaborés par les historiens de l’art qui à partir de suppositions attribuent avec un certain degré d’incertitude une œuvre à telle ou telle époque et qui ensuite – eux-mêmes ou leurs collègues – font fi du caractère hypothétique de ces attributions et fondent sur ces incertitudes de nouvelles attributions (qui de manière circulaire viennent renforcer le caractère de certitude des attributions sur lesquelles elles se fondent).
On a parfois du mal à suivre l’auteur dans ces démonstrations selon lesquelles les artistes du 19e auraient si bien imité le gothique que l’on aurait aujourd’hui du mal à distinguer leurs œuvres de celles qui sont authentiquement médiévales : mais c’est bien là une partie de sa théorie : c’est que – entre autre au 19e siècle – a été forgée par les historiens, amis aussi par les restaurateurs et aussi par les artistes qui ont fait dans un néo-gothique très réaliste : ce sont eux qui ont forgé en grande partie notre conception du gothique et ce n’est donc pas étonnant que nous ayons du mal à distinguer l’authentique gothique des contrefaçons .
p. 64 : « Les scènes de chevalerie sur les stalles de Cologne et de Wassenberg répondent parfaitement à l’image romantique qu’on se faisait du Moyen Age au XIXe siècle. Cette vision, à force d’être ressassée, est aussi devenue la nôtre ».
L’auteur se réfère en particulier à des auteurs allemands et flamands,
1999, Leuwen pour l’édition en néerlandais et apparemment à compte d’auteur car aucun nom d’éditeur n’est cité.
Commençons par ce qui peut fâcher : la traduction : utiliser dès le titre un adjectif aussi – négativement – connoté que « moyenâgeux » en lieu et place du « médiéval » qu’on attendrait, nous fait remonter au moins au 19e siècle et à l’époque des derniers antiquaires.
Cor Engelen est justement nous précise le 4e de couverture « Antiquaire de profession », ce qui est peu fait pour rassurer l’universitaire de base. Le fait qu’il soit « philosophe de formation », pourrait éventuellement nous rassurer si toutefois l’éditeur ne nous présentait pas Engelen avant tout comme un « collectionneur des plus belles pièces, qui passent sous ses mains ». [rappel de ses publications]. Quant au projet du présent volumineux ouvrage en deux tomes on nous le présente comme une quête d’Engeln « de la vérité sans ambages, se basant sur son expérience, la logique et les archives relatant les objets analysés ». C’est donc un travail de remise en cause ne prétendant pas à la perfection (« premiers éléments d’une remise en cause… ») mais brassant un large matériel que l’on nous promet. Les choses commencent enfin après une illustration qui laisse craindre le pire (la photographie d’une statue médiévale manifestement beaucoup trop agrandie pour préserver une bonne définition), et le placement de l’auteur sous le parrainage pour le moins éclectique de Descartes, d’Alembert et Van Gogh. Cette même image porte un sous-titre (qui n’apparaît d’ailleurs qu’ici) « plus beau que vrai » et l’on peut craindre que l’ouvrage ne soit ni beau (entendons bien illustré) ni « vrai » (quoique plus personne ne parte de nos jours aussi naïvement en quête d’une « vérité » et encore moins de LA vérité). D’ailleurs l’auteur qui ce site lui-même en exergue se place clairement à rebours de l’évolution récente de l’histoire de l’art et même de toute histoire de l’art et mérite qu’on le cite : « L’histoire de l’art ne sera-t-elle plus jamais rien d’autre que l’art d’écrire des livres avec plein de notes en bas de page pour faire croire qu’on a tout lu et tout lu, et des textes brillants pour faire oublier qu’on a tout copié ».
p. 5 Intro : croyance dans messianisme d’avant-garde : « brusquement nous voyons surgir des sculpteurs ayant des siècles d’avances sur leurs contemporains, créant des œuvres dont le style dépasse de loin celui des peintres de leur temps, bien que ceux-ci soient à leur tour considérés comme des novateurs et des précurseurs ».
Dans sa - longue – introduction, il remet par exemple en cause la validité scientifique de certaines méthodes de datation, et consacre par exemple pas moins de 5 p. à contester l’infaillibilité de la dendrochronologie (p. 13-18).
L’illustration est en faite assez bizarre et assez peu professionnelle on a un certain nombres d’illustrations tirées de bases données vraisemblablement [mais avec quel crédits photos ?] et aussi beaucoup pour les sculptures de photos prises personnellement et qui sont donc tous sauf des photos de coffee-table books [on est donc a des années-lumières du style Taschen par exemple].
Il fait des renvois dans le texte au collection d’image du 2e volume et c’est peut-être là que réside l’aspect intéressant du livre : on voit qu’il y a eu une vraie réflexion personnelle de menée : ce n’est certes pas le gage d’une grande valeur scientifique et on peut douter de l’accomplissement des premières ambitions de l’auteur : il a cependant réussi à livrer sa vérité sur le Moyen Age, reste à savoir dans quelle mesure elle peut intéresser les historiens et si ces derniers passeront outre l’anticonformisme de l’ouvrage pour y trouver ce qu’il y a d’intéressant.
L’illustration est cependant, même dans un but d’illustration iconographique, vraiment indigente et parfois redondante (fallait-il véritablement consacrer pas moins de 39 des 500 pages d’illustrations au « Chapeau juif », soit trois fois plus que la Crucifixion ? Par ailleurs, un n° par sorte mais pas de catalogue : pas de n° pour chaque image : ce qui fait que le lecteur est un peu livré à lui-même. Au total, le livre est une réussite, dans la mesure où son auteur a accompli une bonne partie de son objectif, mais dans la mesure où ses ambitions étaient si loin (et ce délibérément) des problématiques actuelles de l’histoire de l’art on peut se demander qui va l’acheter car pas non plus les amateurs de beaux livres.
Certes on ne croule pas sous les notes de bas pages. (anachronique charge contre les notes de bas de page en incipit).
Par ailleurs la traduction du hollandais est plutôt bonne.
Ensuite, il présente dans sa longue introduction son discours de la méthode pour ainsi dire.
Comme il l’indique à la fin de son introduction après avoir protesté contre les nombreux musées et églises qui interdisent de photographier les statues. « Cette étude est basée sur le contact direct avec les œuvres d’art. ce contact immédiat est irremplaçable, et aucune littérature ne peut y suppléer. Si nos discours vous paraissent insuffisants, une visite sur place s’impose » : et c’est peut-être comme ça qu’il faut prendre le livre : comme une invitation à la découverte, certes un peu anachronique, rédigée à la mode du 19e siècle, à la manière de ces antiquaires du 19e siècle qui avaient été les premiers a véritablement redécouvrir les monuments « moyenâgeux ».
Le livre se veut militant : c’est sa faiblesse et c’est aussi ce qui fait son charme un peu désuet.
En somme l’exercice est assez revigorant, bien que pas toujours convaincant : il a au moins le mérite d’une certaine honnêteté intellectuelle : on sait sur quoi se base l’auteur et le lecteur peut donc se faire lui-même son opinion. et rarement mené il faut bien le dire avec une telle conséquence confinant à l’obstination.
Mais il n’explique pas tout par le néogothique mais aussi par l’hypothèse, certes plus audacieuse et plus séduisante à la fois, à partir de l’exemple de Fontevrault p. 99 que « De toute façon, la datation de 1254 démontrerait qu’il existait déjà des historicismes avant le XIXe siècle ».
Remet beaucoup de choses en cause dont les dates et même (donc ?) l’authenticité de chefs d’œuvre aussi célèbres que l’ange au sourire de Reims.
En fait il s’attache principalement à la sculpture architectonique et il critique surtout le système qui fait dépendre la datation des sculptures des époques de construction des monuments : il suffit que l’histoire du monument soit corrigée et ce sont toutes les dates de la sculptures qui s’en trouvent modifiées, avec aussi donc les rapports de dépendance et d’antériorité entre les œuvres (p. 135).
dimanche 7 février 2010
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